Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
OpéraBlog
20 mai 2018

Le grain de folie dans la mécanique

Critique de L'Heure espagnole / Gianni Schichi à l'Opéra National de Paris 

Créée pour l'Opéra de Paris en 2004, la production de Laurent Pelly de L'Heure espagnole / Gianni Schicchi revient sur la scène parisienne avec deux distributions entièrement renouvelées.

Laurent Pelly propose deux spectacles visuellement impressionants à la mécanique comique bien huilée. L'Heure espagnole se déroule dans la boutique de Torquemada où s'amoncellent toutes sortes d'horloges et de pendules ainsi que du linge sale, des cartons et autres objets hétéroclites (parmi lesquels un taureau !). L'intrigue de Gianni Schicchi se situe dans la chambre de Buoso Donati. Le lit du mort garni de cierges occupe seul la scène avec quelques sièges. A l'arrière, un alignement d'armoires vient rappeler le joyeux désordre de l'opéra précédent. Dans les deux parties de la soirée, on apprécie avant tout la direction d'acteurs de Pelly, réglée comme du papier à musique, et son sens du comique. Certaines trouvailles sont de véritables merveilles, comme les armoires à perte de vue devenant les toits de Florence par exemple. 

Dreisig Grigolo, Gianni Schicchi, Bastille, 2018

La distribution de L'Heure espagnole, à la diction irréprochable, n'appelle que des éloges. Philippe Talbot est un Torquemada à la voix légérement nasillarde pafaite pour le rôle, Jean-Luc Ballestra un Ramiro très bien chantant. Nicolas Courjal met au service de Don Iñigo son timbre riche et cuivré, son intelligence du mot et son irrésistible vis comica. Stanislas de Barbeyrac possède un timbre immédiatement séduisant. Tenant le seul rôle réellement lyrique de la pièce (les autres sont surtout déclamatoires), il affiche une maîtrise époustouflante des piani et de la demi-teinte. Clémentine Margaine est une Concepcion idéale. Timbre chaud, graves généreusement poitrinés, aigus insolents sont les principaux atouts de la mezzo. Possédant de plus un tempérament scénique volcanique, elle ne peut qu'emporter l'adhésion dans ce rôle.

Ballestra Courjal Margaine, L'Heure espagnole, Bastille, 2018

La distribution de Gianni Schicchi est tout aussi soignée. Tous les petits rôles sont très bien tenus avec une implication théâtrale évidente depuis le cordonnier jusqu'au notaire en passant par le médecin et le teinturier. Tous les héritiers de Buoso sont excellents. On retrouve avec plaisir Philippe Talbot, Jean-Luc Ballestra et Nicolas Courjal après l'entracte, tout aussi bien chantants et comiques. Maurizio Muraro vient les rejoindre en Simone à la voix autoritaire. Les trois héritières sont très bien tenues, notamment la Zita de Rebecca De Pont Davis. Les sept hértitiers de Buoso donnent de plus une impression de petite troupe particulièrement jouissive pour le spectateur et indispensable au déroulement de l'intrigue. Vittorio Grigolo est un Rinuccio idéal. Son timbre gorgé de soleil et ses aigus aussi faciles que rayonnants sont excatement ce que réclame l'air  "Firenze è come un albero fiorito" tandis que son physique de latin lover et son tempérament passionné en scène ne pourrait trouver de rôle plus adapté. Elsa Dreisig est parfaite en Lauretta. Son timbre juvénile mais déjà très rond et sensuel fait merveille dans le rôle. "O mio babbino caro" est à coup sûr le summum de la soirée. Chantée dans un legato onctueux, couronnée d'aigus irrisés et charnus, la prière de Lauretta à son père a rarement été aussi délicieuse et émouvante. Enfin, Artur Ruciński est un excellent Gianni Schicchi. Après une entrée un peu étouffée par le trac, il se libère entièrement et délivre une prestation remarquable. "Addio Firenze" est chanté avec beaucoup d'humour, le testament dicté d'une voix de tête nasillarde absolument tordante. Une très belle prestation !

Rucinski, Gianni Schicchi, Bastille, 2018

Dans la fosse, le jeune Maxime Pascal dirige L'Heure espagnole comme Gianni Schicchi avec beaucoup de sensibilité. Sans jamais négliger de faire avancer la comédie (qu'il seconde avec énergie), il sait ménager des moments d'émotion comme les deux "C'est ce que j'appelle une femme charmante" chez Ravel ou les très courts duos de Rinuccio et de Lauretta chez Puccini ("Addio speranza bella" et "Lauretta mia"). 

En somme, une soirée hautement divertissante, parfaite sous tous rapports, accessible à tous et surtout joussive !

L'Heure espagnole, comédie musicale en un acte de Maurice Ravel sur un livret de Franc-Nohain, 1911

Concepcion : Clémentine Margaine

Gonzalve : Stanislas de Barbyerac

Ramiro : Jean-Luc Ballestra

Don Iñigo Gomez : Nicolas Courjal

Torquemada : Philippe Talbot

 

Gianni Schicchi, opéra en un acte de Giacomo Puccini sur un livret de Giovacchino Forzano, 1918

Gianni Schicchi : Artur Ruciński

Lauretta : Elsa Dreisig

Rinuccio : Vittorio Grigolo

Zita : Rebecca De Pont Davis

Gherardo : Philippe Talbot

Nella : Emmanuelle de Negri

Betto : Nicolas Courjal

Simone : Maurizio Muraro

Marco : Jean-Luc Ballestra

La Ciesca : Isabelle Druet

Maître Spinelloccio : Pietro Di Bianco

Amantino di Nicolao : Tomasz Kumiega

Pinellino : Mateusz Hoedt

Guccio : Piotr Kumon

Gherardino : Clément Bée

 

 

Direction musicale : Maxime Pascal

Mise en scène : Laurent Pelly

Orchestre de l'Opéra National de Paris

Opéra Bastille, le 19 mai 2018

Publicité
Publicité
OpéraBlog
Publicité
Archives
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 37 437
Publicité