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21 août 2019

Boccanegra d'exception à Salzburg

Critique de Simon Boccanegra au Festival de Salzburg

            On ne répétera jamais assez combien il est dommage que Simon Boccanegra ne jouisse pas de la même popularité et du même engouement que d’autres œuvres de Giuseppe Verdi. Avec son orchestre scintillant et mouvant comme la mer mouillant le port de Gênes, ses ensembles saisissants et ses moments de grâce absolument uniques (« Figlia a tal nome », « Gran Dio il benedici » et tant d’autres), Simon Boccanegra mérite réellement d’être joué plus souvent. Et quand il est magistralement distribué, comme c’est le cas cet été à Salzburg, on obtient une représentation inoubliable.

Castronovo Rebeka, Salzburg, 2019

            Andreas Kriegenburg propose une relecture de Simon Boccanegra en costumes contemporains. Les choristes, scotchés à leur téléphone portable, semblent représenter une opinion publique facilement influençable par Paolo et Pietro qui inondent la toile de slogans populistes. Mais le propos semble s’arrêter là et force est de constater que la direction d’acteurs reste bien pauvre (les retrouvailles de Boccanegra et sa fille sont tout particulièrement bâclées selon nous, Boccanegra et Amelia se contentant de se sourire bêtement en sautillant de joie).

            Ce Simon Boccanegra salzbourgeois se distingue d’abord par des seconds rôles très bien tenus, du Paolo brutal, saisissant dans son récitatif de l’acte II « Me stesso ho maledetto » d’André Herboyer au capitaine bien chantant de Long Long. Quant au quatuor de premiers rôles, il est presque irréprochable. Charles Castronovo prend à bras le corps le rôle assez inconsistant de Gabriele Adorno, lui prêtant sa voix chaude et lumineuse, son médium de plus en plus étoffé et une italianità indéniable. Il se montre aussi à l’aise dans le très lyrique duo d’amour de l’acte I que dans l’acte II qui demande plus d’intensité dramatique. Son « Perdono, Amelia » est un des plus touchant qu’il nous ait été donnés d’entendre. Dans le rôle de son amante, Marina Rebeka est tout aussi époustouflante. Avec une voix de plus en plus belle dans le grave et le bas médium (mais qui n’a pas perdu ses aigus, toujours aussi affutés), elle fait une Amelia parfaite. « Come in quest’ora bruna » est un véritable miracle : chamarré, juvénile et porté par un souffle aussi long que souple. Et le miracle se prolonge pendant toute la représentation. La technique parfaite, les aigus dardés comme des flèches, le médium riche et profond font de chaque intervention de la soprano lettone un petit bijou. Pour ne rien gâter, elle possède également une présence scénique irradiante et forme un très beau couple avec Charles Castronovo. René Pape est un Fiesco idéal. Timbre somptueux depuis l’aigu lumineux jusqu’au grave élégant et exceptionnellement bien timbré, beauté du legato et autorité scénique naturelle sont ses atouts principaux. « Il lacerato spirito » est chanté avec noblesse et met en valeur une conduite de la ligne impeccable. Son duo de l’acte III avec Simon est de toute beauté. Le « Piango perché mi parla », chanté du bout des lèvres, est à la fois impressionnant et touchant. Luca Salsi est peut-être légèrement moins impressionnant que ses collègues mais fait néanmoins un très beau Doge. La tessiture est très homogène, les aigus faciles, la présence scénique imposante. On regrettera cependant une tendance à chanter de manière un peu monochrome, une certaine parcimonie dans l’utilisation de la nuance piano. Mais sans doute le chant se parera-t-il de plus de couleur au fil des retours de l’artiste au rôle.

Castronovo Pape Rebeka Salsi, Salzburg, 2019            Dans la fosse, les Wiener Philarmoniker déploient un son splendide dès les premières notes du prélude, chatoyant de mille couleurs. Quant au Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor, il possède une sonorité sublime qu’il met parfaitement au service des scènes chorales (le final du I et du III, sont sur ce plan de pures merveilles).

            En somme, une magnifique représentation de Simon Boccanegra, portée par des solistes, un orchestre et des choeurs d'exception.

Castronovo Rebeka Salsi, Salzburg, 2019

Simon Boccanegra, melodramma en un prologue et trois actes de Giuseppe Verdi sur un livret de Francesco Maria Piave et Arrigo Boito, 1881

Simon Boccanegra : Luca Salsi

Jacopo Fiesco : René Pape

Maria Boccanegra / Amelia Boccanegra : Marina Rebeka

Gabriele Adorno : Charles Castronovo

Paolo Albiani : André Herboyer

Pietro : Antonio di Matteo

Un capitano dei balestrieri : Long Long

 

Direction Musicale : Valery Gergiev

Mise en scène : Andreas Kriegenburg

Wiener Philarmoniker et Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor

Großes Festspielhaus (Salzburger Festspiele), 20 août 2019

Retransmission en direct sur medici.tv

 

 

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