Jubilatoire
Le Festival de Glyndebourne représentait hier 21 juin 2016 Il Barbiere di Siviglia dans une mise en scène d’Annabel Arden. Parfaitement fidèle au livret, celle-ci s’est révélée particulièrement efficace. Le décor fortement poétique rappelle une Espagne de songes faite de motifs orientaux dans les tons bleus et blancs. Les costumes sont également très réussis. Les tenues de Rosine sont au I dans les tons rose pâle puis dans des bordeaux plus sombres au II. Tout au long de l’opéra, elles sont caractérisées par une abondance de fleurs et de volants. Mais la principale force de cette mise en scène réside dans une chorégraphie magistralement orchestrée reposant sur des pas de danses et une gestuelle marquée. Le tout crée un spectacle fort agréable à voir, à l’aspect propre et soigné.
Dans la fosse, Enrique Mazzola, à la tête du London Philarmonic Orchestra, s’efforce de créer une atmosphère sonore correspondant à la scène. Sa direction est allègre et enjouée, poétique et expressive quand il le faut. On ne trouvera pas ici de rythmes débridés comme c’est si souvent le cas dans cette pièce. Et qui s’en plaindra ? Car au moins, cela permet aux chanteurs de rester à l’aise dans une partition particulièrement complexe et d’en explorer les moindres détails.
Du côté du chant, en effet, il y a beaucoup de belles choses à entendre. A commencer même dans le petit rôle de Berta. Janis Kelly campe un personnage comique bien assumé. Ce qui crée l’admiration cependant, ce n’est pas son jeu mais un « Il vecchietto cerca moglie » particulièrement bien chanté avec des aigus dépourvu d’acidité – c’est si rare chez les titulaires de Berta- et au contraire sains et puissants.
On a connu des Basilios plus désopilants que Christophoros Stamboglis. Celui-ci se concentre plus sur la beauté de son chant et la précision de son ornementation. Par comparaison, le Don Bartolo d’Alessandro Corbelli n’en apparaît que plus drôle. Le baryton italien enchaîne gag sur gag tout en conservant une ligne de chant impeccable où l’on aperçoit à peine la marque du temps. Il est vrai qu’il est titulaire du rôle depuis si longtemps qu’il en connaît toutes les facettes. Quel plaisir que d'entendre un chanteur en si complet accord avec l'écriture de son rôle !
L’Almaviva de Taylor Stayton est parfait sur le plan vocal mais assez pâle sur le plan théâtral. Il faut avouer que le grand espagnol est un personnage fluet en face de Figaro, surtout quand le « Cessa di più resistere » est coupé. Et Björn Bürger est un excellent Figaro. Belle voix bien maîtrisée, le baryton campe un personnage rusé et malicieux.
La grande reine de la soirée reste cependant Danielle de Niese en Rosina. Elle est tout d’abord une présence scénique incroyable. Ravissante dans ses tenues successives, elle incarne une jeune fille amoureuse pleine de malice et de vivacité. Vocalement, le registre grave est parfois à la limite de ses possibilités mais le médium et surtout l’aigu sont rayonnants de santé, de soleil et de précision. On reste confondu par son interprétation terriblement émouvante de l’air alternatif « Ah, s’è ver, in tal momento », placé juste avant l’orage.
C’était en somme une belle soirée qu’on nous a offert à Glyndebourne. Et devant une musique si jubilatoire, pourquoi bouder son plaisir ?
Il Barbiere di Siviglia, opéra-bouffe en deux actes de Gioacchino Rossini sur un livret de Cesare Sterbini, 1816
Rosina : Danielle de Niese
Berta : Janis Kelly
Figaro : Björn Bürger
Il Conte di Almaviva : Taylor Stayton
Don Bartolo : Alessandro Corbelli
Don Basilio : Christophoros Stamboglis
Direction musicale : Enrique Mazzola
Mise en scène : Annabel Arden
London Philarmonic Orchestra
The Glyndebourne Chorus
Retransmis en diret de Glyndebourne, le 21 juin 2016