Présentée dans le cadre du festival de Pentecôte de Baden-Baden, cette Traviata mise en scène par Rolando Villazón est située dans un univers circassien d'une oppressante poésie . L'opéra commence rideau baissé avec, en avant-scène, Violetta, déjà malade et proche de la mort. Commence alors l'ouverture et une sorte de délire cauchemardesque pour Violetta malade. Une danseuse trapéziste joue "l'autre" Violetta, bien portante, du rêve. Violetta et Alfredo vivent alors les deux premiers actes parmi des clowns sinistres, inquiétants et violents. Au troisième acte, la Violetta mourante rêve qu'Alfredo et Germont viennent la voir avant de mourir bien réellement, seule, comme dans le roman d'Alexandre Dumas (La Dame aux camélias). La mise en scène du ténor mexicain s'avère en parfaite équation avec la musique : pas un changement de lumière, pas un déplacement n'est en désaccord avec la fosse ou les chanteurs. La direction d'acteurs est efficace et soignée, jamais les chanteurs ne sont laissés à eux-mêmes.
Pablo Heras-Casado, à la tête du Bathasar-Neumann-Ensemble, soutient le drame avec efficacité mais sans grande originalité. Le Balthasar-Neumann-Chor s'investit beaucoup dans le parti pris scénique mais son son paraît étouffé comme s'il était en sous effectif.
Attala Ayan est un bon Alfredo dont il possède les couleurs latines. On lui reprochera seulement un aigu forcé à la fin de la cabalette de Germont "Non udrai rimproveri". Simone Piazzola, appelé pour remplacer Ludovic Tézier initialement annoncé, dessine le portrait d'un Germont noble, compatissant mais inflexible. "Di provenza il mar" le voit déployer une ligne verdienne impeccable et une belle sensibilité. La cabalette "Non udrai rimproveri" le voit moins à l'aise (la faute à un tempo trop lent ?). Les comprimari sont tous biens distribués, avec une mention spéciale pour le Gastone d'Emiliano Gonzalez Toro brillant dans son personnage de clown. On aurait cependant préféré une Flora à la voix plus pleine que celle de Christina Daletska.
Olga Peretyatko se révèle une Violetta idéale aussi bien physiquement que vocalement. La soprano russe endosse avec brio et son personnage et son tutu blanc. La voix est homogène et agile. Et que dire de ce velouté si particulier, si doux ? Le "Dite alla giovine" où elle déploie de magnifique piani est sans doute le plus beau moment de la représentation.
C'est donc une belle production de La Traviata que celle présentée cette année à Baden-Baden. On regrettera cependant le forfait de Ludovic Tézier...
La Traviata est disponible en replay jusqu'au 28 juin 2015 complet sur Arte concert (cliquez pour voir).
La Traviata, Giuseppe Verdi
Violetta Valéry : Olga Peretyatko
Violetta Valéry (danseuse et trapéziste) : Susanne Preissler
Alfredo Germont : Attala Ayan
Giorgio Germont : Simone Piazzola
Gastone : Emiliano Gonzalez Toro
Flora Bervoix : Christina Daletska
Baron Douphol : Tom Fox
Marquis d'Obigny : Konstantin Wolff
Annina : Deniz Uzun
Dottore Grenvil : Walter Fink
Direction musicale : Pablo Heras-Casado
Balthasar-Neumann-Ensemble
Chef de choeur: Detlef Bratschke
Balthasar-Neumann-Chor
Mise en scène : Rolando Villazón
Décors : Johannes Leiacker
Costumes : Thibault Vancraenenbroeck
Lumières : David Cunningham
Chorégraphie : Philippe Giraudeau
Vendredi 22, 25, 29 mai 2015
Diffusion Arte du 21 juin 2015