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OpéraBlog

7 octobre 2017

Florez réussit son entrée chez Sony Classical

Critique de MOZART

            Après une collaboration de plus de quinze ans avec la maison de disques DECCA, le ténor péruvien Juan Diego Flórez avait annoncé en 2016 la signature d’un contrat chez Sony Classical. Il inaugure cette nouvelle page de sa carrière discographique avec un récital entièrement consacré à Mozart. Jusqu’à aujourd’hui, le ténor péruvien n’a jamais chanté à la scène de rôle mozartien. En 1998, il avait gravé au disque le petit rôle de Marzio dans l’intégrale de Mitridate de Christophe Rousset aux côtés de Cecilia Bartoli et Natalie Dessay. Alors qu’il cherche maintenant à élargir son répertoire, autrefois résumé au belcanto, il revient  au compositeur autrichien, pour notre plus grand plaisir.

            A quarante ans passés, Juan Diego Flórez apporte à ce répertoire mozartien un timbre d’une jeunesse et d’une facilité déconcertante, un phrasé suave et délicat et un art de la vocalise insurpassable. Peu habitué à chanter en langue allemande,  la diction reste très travaillée et la conduite du souffle dans « Dies Bildnis ist bezaubernd schön » cisèle les phrases avec maestria. Le meilleur de ce récital se trouve cependant dans les pages en italien, notamment le redoutable « Fuor del mar » extrait d’Idomeneo où tant de ténors s’époumonent ou se résignent à effectuer des coupures regrettables. Ici, le roi de Crète torturé trouve en Juan Diego Flórez un interprète idéal : les vocalises sont magistrales, le personnage finement dessiné. On retrouve ces mêmes qualités dans les extraits d’Il re pastore et l’air « Se all’impero, amici Dei » extrait de La clemenza di Tito alliées à une vaillance et à un brillant dans le haut de la tessiture hautement appréciable. Les deux airs de Don Ottavio, extraits de Don Giovanni, permettent à Juan Diego Flórez de redorer le blason d’un rôle souvent fade, ici tout en délicatesse et douceur. Les variations proposées pendant la reprise d’ « Il moi tesoro intanto » sont la preuve d’un raffinement et d’une recherche artistiques poussés. Ce très beau récital se clôt sur un air de concert très incarné et techniquement irréprochable, résumé parfait de toutes les autres pages.

           

Mozart JDF Sony Classical 2017

MOZART

Juan Diego Flórez, ténor

Orchestra La Scintilla

Direction musicale : Riccardo Minasi

 

1.      « Fuor del mar » - Idomeneo

2.      « Dies Bildnis ist bezaubernd schön » - Die Zauberflöte

3.      «  Si spande al sole in faccia» - Il re pastore

4.      « Il moi tesoro intanto » - Don Giovanni

5.      « Del più sublime soglio » - La clemenza di Tito

6.      « Se all’impero, amici Dei » - La clemenza di Tito

7.      « Un aura amorosa» - Così fan tutte

8.      « Ich baue ganz auf deine Stärke » - Die Entführung aus dem Serail

9.      « Dalla sua pace » - Don Giovanni

10.  « Misero! O sogno… Aura che intorno spiri »

CD Sony Classical 2017

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11 septembre 2017

Jonas Kaufmann et l'opéra français

Critique de L’Opéra

            Encore une fois, le monde de l’opéra a les yeux rivés sur Jonas Kaufmann, cette fois-ci à l’occasion de la sortie de son nouveau récital discographique : L’Opéra. Derrière ce titre aussi vague qu’énigmatique se cachent douze airs et deux duos tirés de l’opéra français du XIXème siècle. Le programme, reconnaissons-le, n’est pas des plus originaux. Les tubes y côtoient les tubes, tous les airs français emblématiques pour ténor y sont, depuis « Rachel, quand du seigneur » jusqu’à « Pourquoi me réveiller » en passant « Ah ! Lève-toi, soleil ! » et le duo des Pêcheurs de perles. Armé d’une diction d’une clarté à toute épreuve et d’un timbre toujours aussi séducteur et unique, le ténor allemand s’attaque au grand répertoire français avec un bonheur quelque peu inégal.

            Le disque s’ouvre plutôt mal avec « Ah ! Lève-toi, soleil ! » extrait du Roméo et Juliette de Gounod. Impossible pour le timbre sombre et barytonnant de Kaufmann d’incarner le jeune Montaigu. Ce soleil est bien trop noir, bien trop torturé est ce Roméo. On se croirait plutôt à Venise sous les fenêtres de Desdemona qu’à Vérone tant Kaufmann est éloigné de son personnage. De même, l’air de Mylio dans Le Roi d’Ys de Lalo ne convient pas au chanteur qu’est aujourd’hui Jonas Kaufmann. « Elle ne croyait pas, dans sa candeur naïve » extrait de Mignon pourrait susciter les mêmes réserves, il n’en est rien. Dans cet air, le ténor dessine une ligne de chant très simple, très émouvante, teinte d’une douce mélancolie.

            Avec « Pourquoi me réveiller » et l’air de la fleur, Jonas Kaufmann délivre deux des airs les plus emblématiques de sa carrière. Alors qu’il les avait tous deux enregistrés dans Romantic Arias pour Decca il y a presque dix ans, il en propose ici des versions  encore plus intéressantes. Werther est tout simplement sublime : le désespoir du personnage transperce dans chaque inflexion de sa voix. Quant à l’air de Don José, on y retrouve les exceptionnels piani susurrés du ténor allemand. « Ô Dieu, de quelle ivresse » est sans doute un peu trop tendu dans le haut de la tessiture pour Jonas Kaufmann mais qu’importe tant son chant est exalté et exprime à la perfection l’extase d’Hoffmann. L’air de Vasco de Gama extrait de L’Africaine est un magnifique morceau. Murmurant à l’oreille de l’auditeur l’émerveillement de l’explorateur, le chanteur instaure une tension croissante jusqu’au « Sois donc à moi », chanté avec beaucoup d’émotion.

            Avec Le Cid, Jonas Kaufmann offre une des plus belles pages du disque. La couleur sombre de son timbre est en parfaite adéquation avec la noblesse de Rodrigue. Aigus de bronze, ligne idéalement retenue créent une émotion très sincère. Dans La Juive, le ténor trouve les accents justes pour exprimer la douleur d’Eléazar. Là où l’on est habitué à entendre des voix claires et où certains ont parfois cédé à une tentation vériste malvenue, Jonas Kaufmann est tout en dignité et en introspection. Le « Merci doux crépuscule »  extrait de La Damnation de Faust de Berlioz est impressionnant de maîtrise du texte.  Quelles suaves inflexions sur le « Ô jeune fille, ô ma charmante ! » ! Le monologue d’Enée des Troyens fait bien regretter que sa prise de rôle à Londres en 2012 ait été annulée pour raison de santé. Car quelle maîtrise de la partition ! Quels contrastes entre les passages d’emportement et de remords contenus !

            Rejoint par Sonya Yoncheva pour Manon, Jonas Kaufmann revient avec bonheur au rôle de Des Grieux qu’il n’avait plus chanté depuis 2008 à Chicago. Personnage écartelé entre amour et devoir, il correspond parfaitement à sa personnalité artistique. « Au fond du temple saint » émeut aux larmes quand le timbre chaud et lumineux du très talentueux Ludovic Tézier vient s’apparier idéalement avec celui, si noir et mélancolique de Jonas Kaufmann. Deux voix s’entremêlant sans jamais se couvrir l’une l’autre, dessinant avec la même grâce la délicate mélodie de Bizet, étirant une ligne suave qui semble sans fin, voilà le plus beau souvenir qui reste après l’écoute de ce disque, moins parfait que ce à quoi Kaufmann nous a habitué mais finalement plus qu’excellent.

L'Opéra JK Sony Classical 2017

L’Opéra

Jonas Kaufmann, ténor

Ludovic Tézier, baryton (5)

Sonya Yoncheva, soprano (9, 10)

Bayerisches Staatsorchester

Direction musicale : Bertrand de Billy

 

1.      « L’amour !... Ah ! Lève-toi, soleil ! » - Roméo et Juliette, C. Gounod

2.      « Traduire… Pourquoi me réveiller, ô souffle du printemps ? » - Werther, J. Massenet

3.      « Elle ne croyait pas, dans sa candeur naïve » - Mignon, A. Thomas

4.      « Je le veux !... La fleur que tu m’avais jetée » - Carmen, G. Bizet

5.      « C’est toi, toi qu’enfin je revois !... Au fond du temple saint » - Les Pêcheurs de perles, G. Bizet

6.      « Puisqu’on ne peut fléchir… Vainement, ma bien-aimée » - Le Roi d’Ys, E. Lalo

7.      « Ô Dieu, de quelle ivresse » - Les Contes d’Hoffmann, J. Offenbach

8.      « Pays merveilleux !... Ô paradis » - L’Africaine, G. Meyerbeer

9.      « Enfin, Manon… En ferman les yeux, je vois là-bas » - Manon, J. Massenet

10.  « Toi ! Vous !... N’est-ce plus ma main que cette main presse » - Manon, J. Massenet

11.  « Ah ! Tout est bien fini !... Ô souverain, ô juge, ô père » - Le Cid, J. Massenet

12.  « Rachel, quand du Seigneur » - La Juive, J.F. Halévy

13.  « Merci, doux crépuscule ! » - La Damnation de Faust, H. Berlioz

14.  « Inutiles regrets ! Je dois quitter Carthage ! » - Les Troyens, H. Berlioz

CD Sony Classical 2017

10 août 2017

Anita Rachvelishvili embrase les Chorégies

Les Chorégies d'Orange 2017 se sont closes le 5 août sur une représentation d'Aida de Giuseppe Verdi. A l'heure où elles traversent une mauvaise passe financière, la programmation de ce titre grand public se comprend aisément. 

Aussi la nouvelle production de Paul-Emile Fourny semble-t-elle osciller entre conservatisme et réflexions théâtrales. Il situe son Aida à l'époque de la création, quand les Européens se passionnent pour la culture égyptienne. L'action se déroule dans un musée où, parmi les visiteurs du XIXème siècle et les oeuvres exposées, se rejoue l'histoire tragique d'Aida. Le procédé rappelle beaucoup Il Trovatore d'Alvis Hermanis, présenté en 2014 au Festival de Salsbourg et peine à convaincre : les Européens disparaissent peu à peu à partir du troisième acte, laissant la scène occupée par des décors gigantesques à la façon des Arènes de Vérone. Cependant, le jeu sophistiqué d'Elena O'Connor ou celui, captivant, d'Anita Rachvelishvili sont les témoins d'une direction d'acteurs fouillée.

Vocalement, la soirée est inégale. Ludivine Gombert est une prêtresse au timbre séduisant, le messager de Rémy Mathieur n'appelle aucune réserve. Jose Antonio Garcia paraît en retrait dans l'acte I, Roi d'Egypte peu autoritaire au chant monolithique. Quinn Kelsey ne convainc pas dans le II, desservi par un air pris beaucoup trop rapidement dans la fosse. Mais l'acte III le montre sous un jour bien meilleur, plus noble et plus touchant. Pourvu d'un timbre très agrèable, doux et cuivré, il est un Amonasro tout en nuances, plus à l'aise dans la douceur et le pathos ("Pensa che un popolo" très émouvant) que dans les imprécations. Nicolas Courjal est un Ramfis de très haute tenue. Le timbre est splendide, tout à fait unique, rocailleux mais élégant. Monument d'autorité surplombant les ensembles, il dresse le portrait d'un grand prêtre sans aucune faille, fanatique et inaccessible à toutes formes d'émotion. Marcello Alavrez se bonnifie d'acte en acte. Après un "Celeste Aida" sur le fil du rasoir, il s'impose dans les ensembles du I et du II. Finalement en parfaite forme pour les III et IV, il s'avère particulièrement touchant dans son duo avec Amneris et meurt avec noblesse dans le IV, sa voix retrouvant son timbre lumineux et son émission chaleureuse. Alvarez Garcia Courjal Aida, Orange, 2017

Elenna O'Connor remplaçait Sondra Radvanovski en Aida. La jeune soprano américaine, dont la carrière est encore au stade de débuts, était en prise de rôle. Si la voix peine à se faire entendre dans les ensembles, surtout dans le médium, la technique est parfaite, comme en laisse juger un "O patria mia" plein de nuances et de sensibilité. Son jeu, très étudié, très gracieux, peint une Aida tout en douceur et en timidité. Ici, la princesse éthiopienne est surtout une jeune femme asservie et malheureuse, portrait touchant d'un personnage souvent interprêté par des chanteuses au tempérament de feu. Ce soir, la grande tragédienne de la soirée était Anita Rachvelishvili, souveraine dans un rôle qui semble avoir été écrit pour elle et dont elle habite chaque phrase. Timbre de bronze aux éclats mordorés, voix parfaitement homogène sur toute la tessiture, aigus affutés comme des poignards, médium distillé comme un venin, graves riches et sombres, c'est bien la fille d'un pharaon qu'on entend. Faisant siens les deux premiers actes qu'elle hante par sa présence menaçante, la voix douloureusement retenue pour mieux éclater dans la colère de son duo avec Aida, elle fait du jugement de Radamès le summum de la soirée. Impressionnante par sa capacité à bouleverser dans des phrases aussi simples que "Ohimè! morir mi sento", elle captive par ses "Ah pietà!", scandés pendant toute la scène du jugement, alternant avec les accusations de Ramfis. L'explosion de douleur qu'est "Anatema su voi!" semble le brillant et poignant achèvement d'une interprétation parfaite.

 

Rachvelishvili Aida, Orange, 2017

 

Dans la fosse, Paolo Arrivabeni n'emporte pas vraiment l'adhésion. Choix de tempi déstabilisants, petits décalages ne sont que partiellement rattrapés par une lecture fidèle et dramatique de l'oeuvre de Verdi.

A la fin de la représentation, on reste marqué par l'Amneris d'Anita Rachvelishvili, interprétation sublime dans une production tout à fait honorable.Kelsey O'Connor Aida, Orange 2017Aida, opéra en quatre actes de Giuseppe Verdi sur un livret d'Antonio Ghislanzoni, 1871

Aida : Elena O'Connor

Radamès : Marcelo Alavrez

Amneris : Anita Rachvelishvili

Amonasro : Quinn Kelsey

Ramfis : Nicolas Courjal

Il Re : Jose Antonio Garcia

Messaggero : Rémy Mathieu

Sacerdotessa : Ludivine Gombert

 

Direction musicale : Paolo Arrivabeni

Mise en scène : Paul-Emile Fourny

Orchestre national de France

Choeur d'Angers-Nantes Opéra, Choeur du Grand Opéra d'Avignon, Choeur de l'Opéra de Monte-Carlo, Choeur de l'Opéra de Toulon

Soirée enregistrée au Théâtre antique d'Orange le 5 août 2017 diffusée sur France 5 et Culturebox

1 août 2017

Rentrée discographique 2017 chargée !

La rentrée discographique 2017 s'annonce très prometteuse... Tout d'abord, à paraître en septembre sous le label Deutsche Grammophon, un récital d'Ildar Abdradzakof et de Rolando Villazon. Accompagnés par Yannick Nézet-Séguin, la basse russe et le ténor mexicain interpréteront des duos italiens et français. "Son lo spirito che nega" extrait du Mefistofele de Boito et "Au fond du temple saint" des Pêcheurs de perles seront au programme. Plus d'informations sur le site de Deutsche Grammophon.

Duets IA RV Deutsche Grammophon 2017Chez Sony, deux grands ténors vont également sortir un récital. Ce sera d’abord Jonas Kaufmann, le 15 septembre, avec L’Opéra, consacré entièrement à l’opéra français. Le ténor allemand y interprétera des pages dans lesquelles on le connaît très bien comme « La fleur que tu m’avais jetée » ou « Pourquoi me réveiller » (toutes deux déjà enregistrées dans Romantic arias il y a presque dix ans), d’autres dans lesquelles on ne l’attendait pas (plus ?) comme « Ah ! lève-toi, soleil ! » ou « Elle ne croyait pas, dans sa candeur naïve » extraite de Mignon. On attend avec impatience de l’entendre dans « Ô Dieu, de quelle ivresse » des Contes d’Hoffmann, rendez-vous manqué de la saison parisienne passée ou dans « Ô souverain, ô juge, ô père ». Enfin, et pour couronner le tout, Jonas Kaufmann sera rejoint par Sonya Yoncheva pour deux extraits de Manon de Massenet et par Ludovic Tézier pour « Au fond du temple saint », deux artistes exceptionnels avec qui il partagera l’affiche du Don Carlos parisien. Plus d'informations sur la page Facebook de Jonas Kaufmann.L'Opéra JK Sony Classical 2017

Juan Diego Flórez, quant à lui, fera ses débuts chez Sony Classical avec un récital mozartien à paraître le 6 octobre. Agréable surprise que de voir le ténor péruvien revenir à ses premiers pas dans le monde lyrique (en 1999, il avait été Marzio dans l’intégrale de Mitridate de Christophe Rousset aux côtés de Cecilia Bartoli et de Natalie Dessay) alors qu’il s’aventure désormais bien loin de son territoire belcantiste d’élection. Pour l’instant, le mystère repose encore sur le programme.Mozart JDF Sony Classical 2017

17 juillet 2017

Fin de saison brillante !

Créée il y a vingt ans au Festival de Peralada autour du Don José de Roberto Alagna, la production de Carmen signée Calixto Bieito est reprise à l'Opéra Bastille depuis le mois de mars. Après une première vague de représentations avec Clémentine Margaine et Varduhi Abrahamyan en Carmen, Roberto Alagna, Roberto Tagliavini et Alksandra Kurzak puis une seconde avec Anita Rachvelishvili, Bryan Hymel et Ildar Abdradzakof, la soirée du 16 juillet a clôturée la production ainsi que la saison 2016-2017 de l'ONP. Pour l'occasion, une distribution idéale sur le papier avait été rassemblée : Elina Garanča, Roberto Alagna, Ildar Abdradzakof et Maria Agresta. Tous évoluent donc dans le spectacle de Bieito.

 

 

 

La première constation qui s'impose au spectateur de 2017 devant cette production d'une violence inouïe et provocante est qu'elle a fait des émules. En la voyant, on se souvient de beaucoup de mises en scène postérieures qui en reprennent certaines idée. Le parti pris de Bieito est d'accentuer la violence latente de l'oeuvre, pronfondément provocante et osée. Mettant parfois le spectateur mal à l'aise (les exactions des soldats au I, le meurtre de Zuniga...), lui offrant parfois de belles images (le final du II où un choeur de contrebandiers menaçants semblent encercler Don José sur "Viens avec nous dans la montagne", Escamillo et Carmen dans une douce pénombre pour "Si tu m'aimes Carmen"...), cette mise en scène offre une vision très noire et dérangeante du chef d'oeuvre de Bizet.

Carmen, Bastille, 2017

La distribution vocale profite d'un ensemble de second rôles très homogènes. Parmi eux, on remarque tout particulièrement le Zuniga profond et autoritaire de François Lis, la Mercédès au timbre chaleureux d'Antoinette Dennefed et le plaisant Dancaïre de Boris Grappe. Arrivée pour cette seule représentation de Carmen, Maria Agresta force l'admiration en Micaëla. Ses moyens vocaux, presque trop amples et imposants pour le rôle de cette douce orpheline, sont admirables : timbre chaud et corsé, aigus d'airain plus que cristallin, graves riches en harmoniques, ligne de souffle sans faille. Charmante et ingénue dans ses apparitions du I, elle apparaît fascinante et puissamment émouvante dans "Je dis que rien ne m'épouvante" et une rivale d'envergure pour Carmen dans "Dût-il m'en coûter la vie".

 

Agresta Carmen, Met, 2017

 

De son côté, Ildar Abdradzakof est un Escamillo à la voix profonde et séduisante. Pas étonnant que Carmen cède aux charmes de ce toréador à la présence magnétique et à la santé vocale splendide. Fascinant d'autorité dans son duo du III avec Roberto Alagna puis splendide dans "Si tu m'aimes Carmen" où sa voix se marie idéalement à celle d'Elina Garanča, le chanteur russe marque durablement les esprits. 

Abdradzakof Carmen, Bastille, 2017

On ne présente plus le Don José de Roberto Alagna qu'il chante sur les plus grandes scènes depuis plus de vingt ans. Le chant est direct, simple, sans aucune affectation : tout semble aller de soi pour le ténor français. L'aigu est toujours aussi percutant, la diction toujours aussi parfaite. Le duo avec Micaëla est doux et naturel, comme il se doit. Au contraire, "La fleur que tu m'avais jetée" est chanté à pleine voix, couronnée d'un aigu forte. "Dût-il m'en coûter la vie" est un des climax de la soirée, l'émission est héroïque, la ligne inflexible. Le duo final,  sa plus grande réussite de la soirée, est absolument bouleversante. Enfin, la reine de la soirée, c'est une Elina Garanča en forme splendide. Magnifique Carmen aux boucles blondes, elle fascine de bout-en-bout, depuis sa première apparition dans une cabine téléphonqie jusqu'à sa mort en robe pailletée sur un plateau absolument nu. Son timbre chaud, riche, charmeur, au grave profond, au médium moelleux et aux aigus lumineux et précis fait merveille dans chaque. La Habanera est d'une simplicité confondante, la Séguedille entêtante et sensuelle. Le deuxième acte la voit merveilleuse, séduisante comme personne dans "Les tringles des sistres tintaient", la voix se pare d'une grâce diabolique dans "Là-bas dans la montagne". Touchante dans l'air des cartes, odieuse et sublime dans "Dût-il m'en coûter la vie", tendre à souhait dans son duo avec Abdradzakof, la performance de la mezzo lettone semble aller crescendo jusqu'au final. Là, donnant  à son personnage une véritable dimension tragique, elle finit la représentation dans un désir de liberté vivant magnifiée par les accents somptueux de sa voix pure.

Alagna Garanca, Carmen, Met, 2009

La direction de Mark Elder est énergique et alerte, mettant en valeur le brillant de la partition de Bizet. L'orchestre de l'Opéra est magistral, véritable acteur de la soirée et du specacle. Les choeurs de l'Opéra National sont eux aussi superbes, excellant dans toutes leurs nombreuses interventions, depuis la douceur suave du choeur des cigarières jusqu'à l'enthousiasme délirant du IV.

La saison 2016-2017 de l'Opéra national de Paris s'est finit par un véritable succès, salué, pendant et après la représentation par des ovations aussi longues que bruyantes.

Carmen, opéra-comique en quatre actes de Georges Bizet sur un livret d'Henri Meilhac et Ludovic Halévy, 1875

Carmen : Elina Garanča

Don José : Roberto Alagna

Escamillo : Ildar Abdradzakof

Micaëla : Maria Agresta

Frasquitta : Vannina Santoni

Mercédès : Antoinette Dennefeld

Zuniga : François Lis

Moralès : Jean-Luc Ballestra

Le Dancaïre : Boris Grappe

Le Remendado: François Rougier

 

Direction musicale : Mark Elder

Mise en scène : Calixto Bieito

Orchestre et Choeurs de l'Opéra de national de Paris, Maîtrise des Hauts-de-Seine et Choeurs d'enfants de l'Opéra national de Paris

Opéra Bastille, 16 juillet 2017

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15 juillet 2017

Concert de Paris 2017 : une édition de très grande qualité

Hier soir, au pied de la Tour Eifell, comme tous les 14 juillet depuis maintenant cinq ans, s'est déroulé le Concert de Paris. Cette édition a été marquée par la présence de Valery Gergiev, invité à diriger l'Orchestre de Radio France. On reconnaît la patte de ce chef à l'importance des compositions russes dans le programme. On ne s'en plaindra pas, car qui de mieux que Gergiev pour sublimer les pages de ses compatriotes ? Sa direction est d'une précision remarquable et après si peu de répétitions, il est impressionnant de voir à quel point l'orchestre répond à ses interprétations. Aux côtés d'un pareil chef, on a choisi des artistes du plus haut niveau. Bryan Hymel offre au public une voix saine et héroïque, Nadine Sierra la grâce, la fraîcheur et la pureté de sa voix. Ravissante dans "O mio  babbino caro", elle délivre également un charmant duo des fleurs aux côtés d'Anita Rachvelishvili. Cette dernière, drapée de majesté, touche aux larmes dans l'extrait de Sapho de Gounod. Gautier et Renaud Capuçon rivalisent de virtuosité dans le troisième mouvement du Double Concerto de Brahms. Le célèbre violoniste accompagne ensuite une Diana Damrau dans une forme éblouissante pour un "Morgen" d'une simplcité émouvante. La soprano allemande respire le bonheur dans l'air de Juliette "Je veux vivre" et captive toujours autant par ses aigus éclatants. Enfin, Ludovic Tézier conquiert le public avec les deux airs de Don Giovanni qui lui permettent de mettre en valeur son phrasé, sa diction d'une pureté impressionnante et la beauté intrinsèque de son timbre. Le concert s'est fini sur une Marseillaise entonnée à pleine voix par les solistes, les Choeurs et la Maîtrise de Radio France dans une émotion palpable.

Concert de Paris

Programme

1. Marche Hongroise, La Damnation de Faust (Berlioz)

2. "O mio babbino caro", Gianni Schicchi (Puccini), Nadine Sierra

3. "La donna è mobile", Rigoletto (Verdi), Bryan Hymel

4. Danse des Chevaliers, Roméo et Juliette (Prokofiev)

5. "Deh vieni alla finestra", Don Giovanni (Mozart), Ludovic Tézier

6. "Fin ch'han dal vino", Don Giovanni (Mozart), Ludovic Tézier

7. "Je veux vivre", Roméo et Juliette (Gounod), Diana Damrau

8. La chanson du houblon, La Fiancée du Tsar (Rimsky-Korsakov)

9.  "Ô ma lyre immortelle", Sapho (Gounod), Anita Rachvelishvilli

10. "Vivace non troopo", Double Concerto (Brahms), Renaud et Gautier Capuçon

11. "Bonne nuit" (Kabalevsky et Cotte)

12. "Vesti la Giubba", Pagliacci (Leoncavallo), Bryan Hymel

13. "Valse n°2", Suite de Jazz n°2 (Chostakovitch)

14. Duo des fleurs, Lakmé (Delibes), Nadine Sierra et Anita Rachvelishvili

15. "Morgen" (Richard Strauss), Diana Damrau et Renaud Capuçon

16. "Les chariots de feu", (Vangelis, arrangement de Don Rose)

17. "O soave fanciulla", La Bohème (Puccini), Nadine Sierra et Bryan Hymel

18. "La grande porte de Kiev", Les Tableaux d'une exposition (Moussorgsy, arrangement de Ravel)

19. "Dio che nell'alma infondere", Don Carlo (Verdi), Bryan Hymel et Ludovic Tézier

20. "Les voici, voici la quadrille !", Carmen (Bizet)

21. La Marseillaise (Rouget de Lisle, arrangement de Berlioz)

Direction musicale : Valery Gergiev

Orchestre, Choeurs et Maîtrise de Radio France

Champ de Mars, 14 juillet 2017

14 juillet 2017

La Cenerentola ou le triomphe d'un second rôle

Les débuts à la mise en scène d'opéras de Guillaume Gallienne étaient attendus avec une grande impatience par le public parisien. Le très médiatisé sociétaire de la Comédie Française s'était vu confier une nouvelle production de La Cenerentola, chef d'oeuvre comique teinté de mélancolie de Rossini, car, dit Lissner, "c'est sur la famille, c'est drôle et c'est cruel".

Apparemment, Guillaume Gallienne n'a entendu qu'une partie de l'explication du directeur de l'Opéra national de Paris. Le spectacle qu'il nous propose se veut un drame familial, histoire de l'émancipation d'une enfant battue. En effet, Guillaume Gallienne prend très à coeur l'étiquette de "dramma giocoso" que Rossini et son librettiste ont donnée à leur Cenerentola. Cette volonté d'exprimer le drame dans l'opéra est présente dès le départ, dans le décor d'Eric Ruf. Les scènes chez Don Magnifico se passent sous les fenêtres de son palais, grande bâtisse attaquée par la lave qui sera levée pour découvrir une grande cour, représentant le palais du Prince. Le metteur en scène et son directeur artistique ont décidé d'implanter Cenerentola à Naples dans la proximité du Vésuve. Dans cette mise en scène, Angelina ne vit donc plus dans les cendres du foyer mais dans celles d'un  volcan menaçant en permanence d'entrer en éruption. Dans cet univers sombre et inquiétant, évoluent des personnages bien éloignés de la tradition : un Don Magnifico particulièrement brutal, des méchantes soeurs bien moins odieuses que pathétiques, victimes de la violence de leur père, un Alidoro à la gravité omniprésente, un prince estropié... Cette vision, novatrice et intéressante, a cependant le désavantge de gommer en partie l'adjectif "giocoso". Difficile de rire de Don Magnifico quand on voit les traitements qu'il inflige à son entourage ou des travers de ses filles quand on pense à leur père. Quelques gags ici et là finissent par faire sourire (Clorinda et Tisbe écartant leurs rivales, fusils en main, pendant "Come un'ape" par exemple) mais on est bien loin de la jubilation rossinienne.

La Cenerentola, Garnier, 2017La distribution de cette soirée est assez inégale. Teresa Iervolino paraît dépassée par l'exigence impitoyable du rôle-titre qui réclame tout, depuis la sobriété modeste d'"Una volta c'erà un re" à l'agilité brillante du "Non più mesta". La jeune mezzo semble en difficulté dans le grave, trop appuyé, mais sa composition théâtrale est en parfaite adéquation avec la vision de Guillaume Galliene. Sa Cenerentola est modeste, douce, joliment touchante et dotée d'une voix fruitée. A ses côtés, Juan José De León a bien du mal à surpasser le handicap d'une voix un peu nasillarde et d'une attelle imposée par la production. Son physique de jeune premier lui permet cependant de dessiner un personnage crédible. De Leon Iervolino La Cenerentola, Garnier, 2017Maurizio Muraro est un Don Magnifico lésé de sa verve comique, provoquant de temps en temps le rire, plus grâce au texte que grâce à son jeu. La voix correspond à l'image d'un beau-père grotesque mais violent, l'aptitude à vocaliser n'est malheureusement pas au rendez-vous. Alessio Arduini avait été un très beau Figaro dans Il Barbiere di Siviglia l'année dernière. En Dandini, on est surpris de lui découvrir une projection limitée. Sa verve comique, elle, est toujours présente ainsi qu'une jolie maîtrise des difficultés de la partition. Chiara Skerath et Isabelle Druet sont des soeurs moins désagréables que ridicules. Bien différenciées vocalement, elles forment un joli duo très bien chantant.Arduini Druet Skerath La Cenerentola, Garnier, 2017Au milieu d'une telle distribution, le magnifique Roberto Tagliavini emporte l'adhésion en Alidoro. Jouant d'une très belle voix de basse au timbre généreux et profond, le chanteur italien s'impose comme le grand triomphateur de cette soirée, forçant l'admiration par sa maîtrise incontestable de la vocalise et de la ligne. Chez lui, le respect de l'écriture rossinienne semble aller de soi. Scéniquement, la basse italienne construit, grâce à la vision de Gallienne, un personnage bien moins cabotin que la tradition le veut, digne protagoniste d'opera seria. On  regrette que le sublime "Là del ciel" soit son seul air... Iervolino Tagliavini La Cenerentola, Garnier, 2017Dans la fosse, Ottavio Dantone ne supplée pas au manque de comique et de vivacité de la scène. L'Orchestre de l'Opéra national de Paris paraît ici pesant et ennuyé. Les décalages avec le plateau sont incroyablement nombreux pour un soir de dernière représentation. L'introduction d'une harpe dans l'orchestre pour accompagner les récitatifs est un contre-sens qui vient ôter tout rebond aux dialogues. Le Choeur de l'Opéra de Paris, uniquement masculin, s'acquiert de sa tâche avec beaucoup d'esprit et l'on admire encore une fois l'homogénéité impressionnante de son chant.

Ce qui aurait pu être l'événement de cette fin de saison s'avère malheureusement une semi-déception. La mise en scène de Gallienne fera peut-être des émules, invitant d'autres à se pencher sur le côté dramatique du livret. On espère qu'ils arrieveront à allier le comique à leur lecture. Cette Cenerentola est cependant grandement embellie par la présence de Roberto Tagliavini, interprète hors-pair d'un rôle cependant très secondaire.

 

Arduini De Leon Druet Iervolino Muraro Skerath La Cenerentola, Garnier, 2017

 

La Cenerentola, dramma giocoso en deux actes de Gioacchino Rossini sur un livret de Jacopo Ferretti, 1817

Angelina : Teresa Iervolino

Don Ramiro : Juan José De León

Dandini : Alessio Arduini

Don Magnifico : Maurizio Muraro

Alidoro : Roberto Tagliavini

Clorinda : Chiara Skerath

Tisbe : Isabelle Druet

 

Direction musicale : Ottavio Dantone

Mise en scène : Guillaume Gallienne

Orchestre et choeurs de l'Opéra national de Paris

Palais Garnier, 6 juillet 2017

10 juillet 2017

Innovante Carmen !

On pense tout savoir de Carmen, opéra de Georges Bizet figurant au top 3 des oeuvres les plus jouées selon OperaBase. C'est précisément le contraire que veut nous prouver Dmitri Tcherniakov. Avec le sulfureux metteur en scène russe, finis l'Espagne, les robes rouges, les castagnettes et les toréadors en costumes rutilants. Ici, un de nos contemporains va suivre une cure afin de lui redonner le goût de vivre. Son traitement consiste à jouer le personnage de Don José entouré de comédiens interprêtant pour lui l'histoire de Carmen. Sa femme, pour rester en contact avec lui, va jouer Micaëla. Mais au III, le patient va refuser d'arrêter la comédie et, au IV, tenter de tuer l'actrice interprêtant Carmen, ne supportant pas de la voir jouer pour un autre homme. Mais dans cette mise en scène, les armes sont aussi factices que l'histoire et Carmen se relève tandis que Don José sombre dans la folie. Cette vision inédite de l'oeuvre peut sembler dérangeante. En réalité, pour un spectateur prêt à abandonner les images de Carmen qu'il a pu se former au contact de mises en scène plsu classiques, la production de Tcherniakov est tout à fait regardable. Même, la confusion des sentiments de Don José vient enrichir l'oeuvre et la psychologie de son personnage masculin.

D'Oustrac Dreisig Fabiano Carmen, Aix en Provence, 2017

 

 

 

Pour soutenir sa vision de Carmen, Tcherniakov avait avant tout besoin d'un Don José engagé et crédible. Michael Fabiano relève le défi avec succès. On a peut-être connu des interprètes plus impressionnant dans la nuance et la douceur mais le ténor américain brille surtout par son endurance et la violence qu'il sait insuffler au personnage.

Michael Simpson Todd est un Escamillo très convainquant dans sa confrontation avec Don José au troisième acte. L'air du toast où il semble en difficulté dans les extrêmes, est en revanche moins impressionnant. Son timbre assez commun et sa diction moins parfaite que celle de ses partenaires en grande partie francophone sont rachetés par une prestance en scène incontestable.D'Oustrac Simpson Todd, Carmen, Aix en Provence, 2017

Micaëla trouve une interprête idéale en Elsa Dreisig, jouant d'un timbre juvénile et pur. Touchante, simple mais jamais mièvre, elle brosse un très beau portrait d'une femme profondément amoureuse d'un homme qui ne cesse de s'éloigner d'elle.

Face à cette Micaëla d'exception, Stéphanie d'Oustrac est une superbe Carmen. Résolument caricaturale dans "L'amour est un oiseau rebelle", l'attitude provocante et bravache de cette bohémienne au timbre d'airain et charnu  ne va cesser de s'humaniser au fil de la soirée, au fur et à mesure de la prise de conscience de la comédienne de l'ampleur du jeu auquel elle participe. La mezzo française s'en donne visiblement à coeur de joie dans cette production qui lui permet d'explorer toute la palette des expressions. Très drôle dans le quintette des brigands, touchante à l'extrême dans l'air des cartes, poignante dans le final, elle se confirme comme une des meilleures interprêtes actuelles du rôle.D'Oustrac Fabiano Carmen, Aix en Provence, 2017

Le plateau atteint une parfaite homogénéité grâce à la présence d'excellents seconds rôles, depuis les tordants Dancaïre et Remendado de Guillaume Andrieux et Mathias Vidal aux belles compagnes de Carmen que sont Gabrielle Philiponet et Virginie Verrez en passant par le Moralès impeccable de Pierre Doyen. Le choeur Aedes, protagoniste indispensable au drame, est d'une diction parfaite. Le choeur des cigarières est sublime, tout comme celui des contrebandiers qui ouvre le III.

Pablo Heras-Casado n'innove pas dans sa direction mais l'Orchestre de Paris sonne magnifiquement sous sa direction, ce n'est déjà pas si mal.

Une Carmen splendide reposant sur une distribution homogène et de très grande qualité.D'Oustrac Fabiano, Carmen, Aix en Provence, 2017

Carmen, opéra-comique en quatre actes de Georges Bizet sur un livret d'Henri Meilhac et Ludovic Halévy, 1875

Carmen : Stéphanie d'Oustrac

Don José : Michael Fabiano

Escamillo : Michael Simpson Todd

Micaëla : Elsa Dreisig

Frasquitta : Gabrielle Philiponet

Mercédès : Virginie Verrez

Zuniga : Christian Helmer

Moralès : Pierre Doyen

Le Dancaïre : Guillaume Andrieux

Le Remendado: Mathias Vidal

L'administrateur (comédien) : Pierre Gramont

 

Direction musicale : Pablo Heras-Casado

Mise en scène : Dmitri Tcherniakov

Orchestre de Paris, Choeur Aedes et Maîtrise des Bouches-du-Rhône

Retransmissions sur Arte Concert depuis le Festival d'Aix-en-Provence, 6 juillet 2017

9 juillet 2017

Diana Damrau resplendissante

Critique de Meyerbeer : Grand Opera

            Le nouveau récital discographique de Diana Damrau est consacré au compositeur allemand Giacomo Meyerbeer. Son programme met en avant l'impressionnante polyvalence de celui qui a marqué l'histoire du grand opéra français. Depuis le singspiel à l'opera seria en pensant par l'opéra-comique, la soprano allemande nous rappelle la diversité des compositions de Meyerbeer. Cette richesse permet également à Diana Damrau d'explorer des univers musicaux très différents.

            Le CD s'ouvre par un extrait du Prophète où Diana Damrau crée une atmosphère paisble et légère qu'on retrouve dans l'air de Dinorah "Ombre légère". Dans cette plage, elle peut faire admirer ses aigus toujours aussi cristallin et une agilité époustouflante. Dans Robert le Diable, elle trouve les justes accents de la douleur d'Isabelle. L'explosion de sa plainte à la fin de l'air fait montre de ses talents de tragédienne. La justesse dans le drame se retrouve également dans l'extrait du Feldlager in Schlesien où Diana Damrau est particulièrement émouvante. Le personnage de Palmide dans Il Crociato in Egitto la trouve touchante et extrêmement crédible dans ce rôle de mère. L'air "Ô beau pays de la Tourraine" dans Les Huguenots met en valeur le moelleux de son timbre et son sens de la ligne.

            Ce récital bénéficie également de la présence de grands artistes autour de Diana Damrau. Il Crociato in Egitto bénéficie de la présence de Laurent Naouri dans le rôle d'Aladino, ici réduit à quelques phrases. La superbe Kate Aldrich chante aux côtés de la soprano allemande dans Ein Feldlager in Schlesien et dans L'Africaine. Bien qu'on l'entend très peu, on apprécie son timbre chaud et profond. L'Orchestre et le Choeur de l'Opéra de Lyon accompagne l'action avec force et conviction. Un très beau CD avec une Diana Damrau au sommet de son art, déployant tous ses talents de comédienne et de colorature.

Grand Opera Diana Damrau Erato

Meyerbeer : Grand Opera

Diana Damrau, soprano

Kate Aldrich, mezzo-soprano

Laurent Naouri, basse

Charles Workman, ténor

Joanna Curaleru, mezzo-soprano

Orchestre et Choeur de l'Opéra de Lyon

Direction musicale : Emmanuel Villaume

 

1. "Mon coeur s'élance et palpite", Le Prophète

2. "Robert, toi que j'aime", Robert Le Diable

3. "Nun in der Dämm'rung Stille", Alimelek, oder die beiden Kalifen

4. "Ah, mon Dieu !... C'est là que chaque matin", L'Etoile du Nord

5. "Là-bas, sous l'arbre noir... Fleurs nouvelles, arbres nouveaux", L'Africaine

6. "D'una madre disperata... Con qual gioia", Il Crociato in Egitto

7. "Ombre légère", Le Pardon de Ploërmel

8. "Oh Schwester, find'ich dich!... Lebe wohl, geliebte Schwester", Ein Feldlager in Schlesien

9. "Sulla rupe triste, sola... Ah questo baccio", Emma di Resburgo

10. "Ô beau pays de la Tourraine... A ce mot seul s'anime", Les Hugenots

11."Anna, qu'entends-je... Adieux mon doux rivage", L'Africaine

CD ERATO 2017

6 juin 2017

Un Rigoletto d'équipe

Cette reprise de Rigoletto dans la mise en scène de Claus Guth aura bien failli ne pas avoir lieu. Avant un deuxième acte commencé en retard, Vittorio Grigolo a fait annoncé qu'il était malade mais avait décidé de continuer la représentation malgré tout. Alors que la salle se réjouissait d'assister au deuxième acte, un murmure d'incompréhension et d'inquiètude s'est élevé quand le rideau est tombé à la fin de l'air "Cortigiani, vil razza dannata". Cette fois-ci, nous annonce-t-on, un "incident sur le plateau" (en l'occurence, l'évanouissement d'un artiste) contraint de repousser la suite de la représentation. Ce n'est que trois quart d'heure après que le deuxième acte a repris. Aux saluts, l'accueil particulièrement chaleureux d'une salle reconnaissante a récompensé l'équipe artistique d'avoir joué coûte-que-coûte.

Sierra Rigoletto Bastille 2017

Créée l'année dernière, la mise en scène de Claus Guh présente l'action de l'opéra comme un souvenir de Rigoletto, devenu SDF et transportant dans une boîte en carton la robe ensanglantée de Gilda et son costume de bouffon. Le décor lui-même est une réplique en bien plus grand de cette boîte. Pendant l'ouverture, on voit le Rigoletto du passé, joué par le coémdien Henri Bernard Guiziran, se lamentant devant la robe de sa fille. Puis, on assiste à travers ses yeux à la fête chez le Duc, un bal en costumes du XVIème. Avec l'apparition de Monterone en costumes actuels, on comprend que l'actions se passe de nos jours. Rigoletto et Sparafucile, pour illustrer la réplique du bouffon  "Pari siamo", évoluent symétriquement dans leur première rencontre. Gilda est mise en scène, aussi bien par son père que par "Gualtier Maldè", et ainsi présentée comme objet de fantasmes emprisonné dans la conception des autres. L'opéra est hantée de projection et de danseuses représentant Gidla plus jeune. Cette conception, surprenante il est vrai, fonctionne cependan très bien. Certaines images sont poétiques, comme cette jeune fille ne blanc dansant sur un projection de paysage champêtre pendant "Tutte le feste al tempio", d'autres, comme la projection de pigeons autour d'un poignard ensanglantés, déconcertantes et peut-être superflues. Il faut reconnaître, du moins, à cette production une grande efficacité et un bel accompagnement du drame.

Pour ce qui est du chant, le plateau brillait par la présence d'excellents comprimari. Depuis le charmant page de Laure Poissonnier jusqu'au très impressionnat Marullo ce Christophe Gay, on est réellemnt impressionné par la qualité peu habituelle des jeunes chanteurs engagés par l'Opéra de Paris. Brillant par son autorité, le Monterone de Robert Pomakov marque durablement les esprits bien qu'il n'ait que deux apparitions.

Si on est un peu déçu par la Maddalena d'Elena Maximova, très engagée scéniquement mais au timbre assez pauvre, Kwangchul Youn séduit dans le rôle de son frère. Voix caverneuse, prestance noble et inquiétante, il est un tueur à gages idéal dont les "Sparafucile" hantent la salle bien après sa sortie de scène.

Youn Lučić Rigoletto, Bastille, 2017

De Gilda, Nadine Sierra a et la jeunesse et la fraîcheur. Simple et émouvante dans son jeu, elle s'avère précise dans son chant. Sa voix, très ample et fruitée, est tout aussi agile dans les trilles que dans les passages plus lyriques du rôle. C'est surtout dans le final qu'elle impressionne, la voix pure, la ligne superbement conduite et d'une simplicité touchante.

Sierra Rigoletto, Bastille 2014

Željko Lučić n'est plus à présenter, chantant depuis plusieurs années les grands rôles verdiens sur les scènes les plus prestigieuses. Ce soir, le baryton serbe ne semble pas au meilleur de ses capacités. Le chant est, certes, parfaitement dans le style, le timbre est agréable, la voix bien placée. Reste qu'il manque l'émotion, aussi bien dans la musique que dans le jeu. Seulement dans "Tutte le feste al tempio", Željko Lučić parvient à dépasser son statut d'interprète pour accéder à celui de personnage.

Lučić Rigoletto, Bastille, 2017

Le triomphateur de la représentation à l'applaudimètre, c'est un Vittorio Grigolo souffrant mais qui a conquis la salle dès ses premières notes. Sa voix particulièrement solaire, son jeu très extérieur et son physique de jeune premier en font un interprète idéal du Duc de Mantoue. Depuis un "Questa o quella" inhabituellement délicat jusqu'à un "La donna è mobile" confondant de facilité en passant par un "Parmi veder le lagrime" susurré et douloureux, le ténor ialien livre une prestation exemplaire. Dans "Scorrendo uniti remota via" et la cabalette "Possente amor mi chiama", il fait preuve, de plus, d'une véritable complicité avec le choeur des courtisans.

Grigolo Rigoletto, Bastille, 2017

Le choeur d'hommes de l'Opéra National de Paris est en effet époustouflant dans cette production. Véritable personnage de l'action, le choeur des courtisans semble un jeu pour les choristes. Très sollicités par la mise en scène, ils introduisent la vie et le rire dans cette production. Vocalement, le son est parfait, rond et homogène.

A la tête de l'Orchestre de l'Opéra National de Paris, Daniele Rustioni insuffle le drame et porte les voix avec brio.

En somme, un très beau spectacle, reposant avant tout sur les masses artistiques et la cohésion des artistes.

Rigoletto,melodramma en trois en actes de Giuseppe Verdi sur un livret de Francesco Maria Piave, 1851

Rigoletto : Željko Lučić

Gilda : Nadine Sierra

Il Duca di Mantova : Vittorio Grigolo

Sparafucile : Kwangchul Youn

Maddalena : Elena Maximova

Il Conte di Monterone : Robert Pomakov

Marullo : Christophe Gay

Giovanna : Marie Gautrot

Matteo Borsa : Julien Dran

Il Conte di Ceprano : Mikhail Timoshenko

La Contessa di Ceprano : Veta Pilipenko

Paggio della Duchessa : Laure Poissonnier

Usciere di Corte : Christian Rodrigue Moungoungou

Double de Rigoletto : Henri Bernard Guiziran

 

Direction musicale : Daniele Rustioni

Mise en scène : Claus Guth

Orchestre et choeurs de l'Opéra National de Paris

Opéra Bastille, 5 juin 2017

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