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OpéraBlog
2 avril 2018

Vent de folie à la Bastille

Critique de Benvenuto Cellini à l'Opéra National de Paris

Créé pour l'Opéra de Paris, Benvenuto Cellini, unique tentative d'Hector Berlioz de conquérir la "Grande Boutique", se solda en 1838 par un échec. Public comme interprètes se révélèrent à l'époque incapables d'apprécier cette partition riche, complexe et atypique. Dans le cadre du cycle Berlioz entamé à l'Opéra de Paris, l'orfèvre florentin revient sur la scène parisienne dans une co-production avec l'English National Theatre, le Nationale Opera Amsterdam et le Teatro dell'Opera di Roma.

Pour sa deuxième incursion à l'opéra, Terry Gilliam signe un spectacle coloré et foisonnant. Le plateau est occupé par plusieurs décors modulables à l'envie (une maison à un étage et balcon pour les scènes chez Balducci, de nombreuses tables en face de la boutique de Cellini pour la taverne, un atelier empli de statues en papiers chez Cellini...) et par de nombreux acrobates et figurants. Lumières, confettis, marionnettes créent une atmosphère de carnaval dès les dernières notes de l'ouverture. On rit souvent, tout particulièrement devant certaines scènes très réussies (le trio Fiermaosca/Teresa/Balducci du premier acte, l'entrée du pape). Cependant, on aimerait parfois que le rythme de la mise en scène déccélère de temps à autre : trop d'actions simultanées empêchent parfois de se concentrer sur la musique ou de susicter l'émotion. Cette réserve est pourtant bien mince en comparaison du plaisir éprouvé lors de la représentation.

Iversen Muraro Spoti Benvenuto Cellini, Bastille, 2018

L'équipe vocale réunie par l'Opéra National de Paris est globalement très enthousiasmante. Si l'on excepte le Balducci bougonnant, passant à peine la rampe et à la diction confuse de Maurizio Muraro, on a peu de réserves à exprimer. Parmi les seconds rôles, tous très bons, on distinguera le Pompeo de Rodolphe Briand à la diction d'une netteté confondante. Marco Spoti pâtit d'une voix un peu nasale.  Audun Iversen est un très beau Fieramosca : présence scénique plus que convaincante, voix très homogène et ligne de chant bien menée. Michèle Losier est un Ascanio au timbre lumineux, à l'aigu faciel et au comique assumé. Elle tire son épingle du jeu avec brio grâce à un "Mais qu'ai-je donc" remarquable d'aisance et de vitalité. En prise de rôel en Teresa, Pretty Yende s'éloigne du belcanto italien où elle s'est illustrée jusqu'à présent. Jouant d'un timbre frais et pulpeux, d'aigus très faciles et d'un jeu attachant, elle relève le défi avec entrain. "Quand j'aurai votre âge" lui sied comme un gant avec ses vocalises réclamant agilité et précision. Cette jolie Teresa trouve dans le Benvenuto Cellin de John Osborn un amant à sa mesure. Le ténor américain fait montre d'un timbre idéalement cuivré et d'une voix homogène sur toute la tessiture. Vocalement dans une forme époustouflante, il éblouit autant par ses aigus piani en voix de tête de "Ô mon bonheur" que par les aigus forte de "Sur les monts les plus sauvages". Une diction française absolument parfaite et un jeu enthousiasmant viennent s'ajouter à la beauté purement musicale de ce Cellini. "La gloire était ma seule idole" se révèle, avec la complicité d'un Philippe Jordan inspiré à la fosse, comme le moment le plus émouvant de la soirée.

 

Losier Osborn Yende Benvenuto Cellini, Bastille, 2018

 

 

Dans la fosse, l'Orchestre de l'Opéra National de Paris déploie un son somptueux (que dire, notamment, du cor anglais du final de l'acte I ?) sous la baguette de Philippe Jordan. Sa direction laisse moins de place à la folie que la mise en scène mais met en relief les singularités de la partition de Berlioz ("Honneur aux maîtres ciseleurs" est particulièrement somptueux).  Dans cette production, le comique, le grand spectacle est sur scène, l'émotion est dans la fosse.

Benvenuto Cellini, opéra en deux actes et quatre tableaux d'Hector Berlioz sur un livret d'Auguste Barbier et Léon de Wailly, 1838

Benvenuto Cellini : John Osborn

Teresa : Pretty Yende

Fieramosca : Audun Iversen

Ascanio : Michèle Losier

Giacomo Balducci : Maurizio Muraro

Le Pape Clément VIII : Marco Spotti

Francesco : Vincent Delhoume

Bernardino : Luc Bertin-Hugault

Pompeo : Rodolphe Briand

Cabaretier : Se-Jin Hwang

 

Direction musicale : Philippe Jordan

Mise en scène : Terry Gilliam

Orchestre et Choeurs de l'Opéra National de Paris

Opéra Bastille, le 1er avril 2018

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