Une "Aida" pour l'éternité
Qu'ils sont nombreux les lyricomanes râleurs qui nous annoncent sans cesse que le chant verdien n'a plus d'intrerprètes ! Cette Aida gravée en studio à Rome en janvier 2015 et sorti vendredi 9 octobre sous le label Warner Classics vient y apporter un démenti formel. Non mesdames et messieurs, le chant verdien n'est pas mort ! Il se porte même très bien !
Est-il besoin de rappeler encore une fois que les enregistrements d'intégrales d'opéras se font rares de nos jours ? Sans doute non. Et pourtant, Warner Classics a relevé le défi en produisant, non seulement un opéra de Verdi, mais Aida, opéra péplum s'il en est. Non contant de cet exploit, Warner a tenu à réunir les meilleurs interprètes verdiens actuels : le chef Sir Antonio Pappano, les chanteurs Jonas Kaufmann et Ludovic Tézier et les chanteuses Anja Harteros et Ekaterina Semenchuk.
Cet enregistrement d'Aida reçoit le succès escompté. Il se positionne à une place de choix dans la discographie du chef-d'oeuvre de Verdi. La direction d'Antonio Pappano, en premier lieu, est un immense atout. Le maestro dirige avec une efficacité incroyable, un sens du drame époustouflant, tenant l'auditeur en haleine de la première minute de l'ouverture aux dernières notes de l'ouvrage. L'Orchestra dell'Accademia di Santa Cecilia sonne merveilleusement bien, tous les pupitres se couvrent de gloire tandis que le choeur de l'Accademia met en valeur les talents de compositeur choral de Verdi.
Anja Harteros met au service du rôle titre ses grands talents d'artiste : aigus vibrants à arracher des larmes, médium charnu, timbre charmeur. On ne peut que rendre les armes devant tant de séductions. La soprano allemande se pose en égale face aux grandes Aidas du passé telles que Renata Tebaldi ou Maria Callas. Face à elle, sa rivale Amneris est chantée par la russe Ekaterina Semenchuk. La fille du Pharaon est ici particulièrement humaine, tant dans sa douleur que dans ses emportements de rage et de jalousie. Bouleversante dans tout le dernier acte, on retiendra ses dernières notes, incroyables de beauté et de pathos. Ludovic Tézier est en roi d'Ethiopie époustouflant de bout en bout, depuis son air impressionant de contrastes dans la scène du triomphe au merveilleux trio avec Aida et Radamès, sans parler de son duo avec Aida, violent, insinuateur et convainquant à souhait. On ne connait qu'un Amnoasro digne de rivaliser avec celui-là : Tito Gobbi. Erwin Schrott est un Ramfis parfait, grand prêtre terrifiant à la volonté de fer et aux graves rocailleux. Que dire enfin du Radamès de Jonas Kaufmann ? Timbre profond, pianissimi à en faire pâmer les dames, le ténor allemand transforme tous les pièges de la partition en atout, y compris ce célèbre et assassin si bémol pianissimo finissant le "Celeste Aida".
Bref, cette Aida est un succès sur tous les plans. C'est une Aida d'ajourd'hui mais c'est aussi une Aida pour l'éternité.
Aida de Giuseppe Verdi
Aida : Anja Harteros
Radamès : Jonas Kaufmann
Amneris : Ekaterina Semenchuk
Amonasro : Ludovic Tézier
Ramfis : Erwin Schrott
Il Re : Marco Spotti
Messaggero : Paolo Fanale
Sacerdotessa : Elonora Buratto
Direction musicale : Antonio Pappano
Chef de choeur : Ciro Visco
Orchestra e coro dell'Accademia Nazionale di Santa Cecilia